mardi 8 septembre 2015

Histoire de la Coûme / Die Coûme Geschichte

Bonjour, cela fait depuis mon deuxième séminaire que je voulais vous parler de l'histoire de la Coûme, petit endroit magique des Pyrénées, où nous nous sommes retrouvés pour notre deuxième rencontre avec l'OFAJ.
En effet, cet endroit a un fabuleux passé, qui rentre d'ailleurs parfaitement dans le thème des relations franco-allemande.
J'ai donc interviewé Marta, habitante de la Coûme et c'est avec plaisir qu'elle m'a conté ce récit.

Histoire de la Coûme 


Tout commence dans les années 30 avec les Krüger, jeune couple vivant à Potsdam, en Allemagne. Pitt est instituteur et Yvès, sa femme donne des cours privés chez une riche comtesse.
Pitt est Quaker.

(Les Quakers sont aussi appelé la société religieuse des Amis.
C'est un mouvement religieux fondé en Angleterre au xviie siècle par des dissidents de l'Église anglicane.
Les membres de ce mouvement sont communément connus sous le nom de quakers  mais ils se nomment entre eux « Amis » et « Amies ».
Les historiens s'accordent à désigner George Fox comme le principal fondateur ou le plus important meneur des débuts du mouvement.
Depuis sa création en Angleterre, le mouvement s'est d'abord répandu dans les pays de colonisation anglo-saxonne. Aujourd'hui, les quakers déclarent être au nombre d'environ 350 000 dans le monde.
La Société des Amis se différencie de la plupart des autres groupes issus du christianisme par l'absence de credo et de toute structure hiérarchique. Pour les quakers, la croyance religieuse appartient à la sphère personnelle et chacun est libre de ses convictions. Le concept de « lumière intérieure » (inner light) est cependant partagé par la plupart d'entre eux, quelle que soit la signification donnée à ces mots. De nombreux quakers reconnaissent le christianisme mais ne ressentent pas leur foi comme entrant dans les catégories chrétiennes traditionnelles.
On trouve aujourd'hui dans la Société des Amis des pratiques très diverses, y compris un large courant évangélique.) source : Wikipédia
D'après Marta, les Quakers étaient à l'époque de Pitt et d'Yvès, une riche communauté qui avait beaucoup de ressources, mais très généreuse. Les Quakers faisaient souvent des dons et s'aidaient entre eux.

En 1933, Hitler devient chancelier. Pitt, en tant que fonctionnaire, doit lui jurer fidélité.
Il refuse, perd son emploi et est forcé de quitter Potsdam.
Il s'en va alors camper dans les forêts allemandes avec sa femme et sa fille de 3 ans.
Heureusement, un ami Quaker les met bientôt en relation avec sa tante, une riche Quaker qui passe souvent ses vacances à Prades, dans les Pyrénées orientales.
Elle leur propose alors de partir pour la France, afin de fonder une communauté agricole avec d'autres Quakers réfugiés.
En Octobre 1933, la famille arrive dans un petit village perdu dans la montagne, du nom de Mosset.
La Coûme, leur prochaine habitation est juste à côté mais est inhabitable pour le moment.
Le temps de l’aménager et de passer l'hiver, les Krüger, aidés par des volontaires étudiants Quakers venant d'Oxford, fondent une des premières auberges de jeunesse à la Coûme au printemps 1934.

La Coûme dans les années 30


5 ans plus tard, en 1939, le département est envahi par les républicains espagnols fuyant l'Espagne. Près de 400 000 réfugiés arrivent dans les Pyrénées pour une population de 20 000 habitants.
Face à cette exode, on oblige alors les républicains à construire des camps près des plages ( Argelès, Port Barcarès …) et on les entasse dedans. Militaires et civils sont séparés, ainsi qu'hommes et femmes accompagnées de leurs enfants.
Plusieurs organisations sont mises en place afin de soulager cette surpopulation, comme le secours Suisse qui créé une maternité, des colonies d'enfants...
Les Quakers aident aussi, à l'aide de dons et en regroupant les enfants pour les extirper des camps.
C'est ainsi qu'une vingtaine d'enfants espagnols se retrouve à la Coûme, recueillis par Pitt et Yvès. Profondément traumatisés par la guerre, les enfants ont besoin de temps et de tranquillité pour pouvoir ré avancer dans la vie.
Le couple leur apprend à chanter, à dessiner et le français.
Lors de la première apparition d'un dessin de fleur au lieu des habituels dessins de corps mutilés, de sang et de bombes sur les feuilles des enfants, les Krüger se décident à créer une école.
Quelques amis catalans du couple viennent travailler à la Coûme en tant que professeurs de musique, d'espagnol et d'art. 
Une méthode pédagogique innovante naît alors, dans ce petit endroit perdu dans la montagne.

élèves à la Coûme

Dans les années 40, la responsable irlandaise des Quakers, Mary Elmes ramène peu à peu de nouveaux enfants à la Coûme. 
Ce sont des enfants principalement retirés du camp de Rivesalt, juifs ou enfants de résistants. 
Grâce aux faux papiers et à certains commandants qui ferment les yeux, Mary arrive à sauver un certain nombre d'enfants de la mort en les cachant dans le coffre de sa voiture. 
Elle recueille aussi certains enfants ayant eux-même fugué des camps et d'autres petits réfugiés espagnols. 
Hélas ces nouveaux arrivants sont tout de même remarqués par les habitants de Mosset et comme les dénonciations sont fréquentes en ce temps de guerre, Pitt enterre les papiers des enfants et commence à se construire une cabane dans la montagne pour fuir si jamais.

La famille Krüger

En effet, en juin 1944, Pitt est obligé de partir se réfugier dans son abri car le curé de Mosset l'a dénoncé, n'acceptant pas que l'on puisse donner une éducation non religieuse à l'école.
Par ailleurs, Pitt était très mal vu par le voisinage, car il ne faisait pas la guerre et était allemand.
Mais Pitt est très vite obligé de revenir et de se rendre, lorsque les soldats menacent de tuer 10 enfants au hasard si il ne se montre pas très vite. 
Pitt est alors enfermé à Perpignan, Paris, Saarbrücken et Berlin en tant que prisonnier politique.

jeunes allemands à la Coûme


Pendant ce temps, Yvès reste seule avec les enfants. 
Plusieurs personnes viennent l'aider comme cette institutrice, Yvette Grangeon, qui quitte son travail pour la Coûme et qui deviendra par la suite la première institutrice reconnue légalement de l'école ou les parents d'Olivier (le directeur actuel de la Coûme), Gérard et Monique Bétoin, qui s'installent aux côtés d'Yvès et y resteront jusqu'à sa mort .
Certains anciens élèves espagnols reviennent aussi, apprenant la nouvelle et n'hésitant pas à partir à pied de Valence et à risquer leur liberté en traversant la frontière sans papiers.
Heureusement , ils tombent sur un douanier ami des Krüger qui les reconnaît et qui les fait passer.

Pitt Krüger


La fin de la guerre arrive et Pitt est envoyé en tant que chair à canon sur le front russe.
Pitt refuse de tirer et est fait prisonnier par les soviétiques en tant que soldat allemand.
En septembre 1945, les granges de la Coûme brûlent lors d'un incendie.
Des prisonniers allemands viennent alors tout reconstruire.
Ironie du sort, ce sont des hommes qui subissent le même sort que Pitt, lui en Russie, eux en France.






En 1946, le violoncelliste Casals fait redécouvrir Bach en Europe. 
Refusant de jouer en Espagne compte tenu des tensions politiques de l'époque, ce musicien Catalan monte alors à la Coûme régulièrement pour travailler avec le piano de Pitt et Yvès.
Très connu et demandé, des musiciens du monde entier se déplacent alors pour jouer avec lui, pour le plus grand bonheur des enfants.
Yvès Krüger



L'éducation des enfants évolue et Yvette et Yvès, s'inspirant de la pédagogie Freinet, mettent en place des classes de neige et des voyages d'études d'un mois à l'étranger, tout en conservant l'éducation artistique, manuelle et des travaux pratiques si particulière à la Coûme.
Les enfants participent alors aussi à la vie quotidienne, coupant le bois pour l'hiver et aidant pour la vaisselle, la lessive, la cuisine..

En 1948, Pitt revient de déportation.








Dans les années 60, la Chine envahit le Tibet.
Des enfants tibétains sont alors envoyés dans les pays occidentaux pour bénéficier d'une bonne éducation afin de revenir dans quelques années pour redonner au Tibet son intégrité.
Certains atterrissent à la Coûme et y restent durant trois ans.
Au-delà, les tibétains veulent prendre en main la Coûme ce que Yvès refuse, s'opposant fermement à un gouvernement religieux dans son école.
Mis à part ce différent, certains anciens enfants reviennent encore aujourd'hui dans les Pyrénées chaque été.

La Coûme en 1953

En vieillissant, Pitt et Yvès se raidissent sur certains principes et n'arrivent pas à être en accord avec l'évolution de la pédagogie au cours du temps.
Dans les années 70, la vie demeure très dure à l'école, en décalage avec les changements nouveaux de la société. 
Pas de téléphone, pas d'eau chaude en semaine pour la douche....
Le succès de la Coûme était dû à son éducation particulière qui n'a plus raison d'être, et donc diminue peu à peu.

Yvès meurt en 1988, et son mari l'a rejoint quelques mois plus tard.
En 1989, Olivier et Marta, sa femme, ferment l'école et créent un centre d'accueil.
Les deux filles de Pitt et Yvès ne vouent pas une grande importance à la Coûme, qui devient par ailleurs une fondation vouée à l'éducation, selon les désirs des Krieger.
Aujourd'hui, la Coûme accueille des écoliers français, allemands, anglais et espagnols, en voyage scolaire, mais aussi des formations pour adultes, des colonies de vacances, des stages de musique, des accueils de groupes...
Marta s'occupe de tout ce qui est patrimoine, environnement et apprentissage linguistique ( Espagnol, catalan et français ) et Olivier prend en charge les activités sportives ( Escalade, ski de fond, rando ). 
Marion s'occupe des arts plastiques, Fred de la cuisine et bien d'autres encore participent à l'animation et à la vie quotidienne de la Coûme.

Une bien belle et longue histoire, qui m'a pris du temps à rédiger mais qui en vaut la peine. 
La Coûme est un lieu rempli de calme et de tranquillité, dirigé par des personnes ouvertes d'esprits et heureuses de partager leur histoire avec vous.
J'ai hélas pris beaucoup de temps à me mettre au travail et de nombreuses versions de l'histoire de la Coûme existent déjà.
Voici quelques liens :

Les photos viennent de cette vidéo que je vous invite à regarder, car elle comporte l'interview d'Olivier, le mari de Marta : https://www.youtube.com/watch?v=4_ZH49JY8mI

Merci encore à Marta pour avoir pris le temps de partager avec moi cette histoire !





1 commentaire:

Coucou n'hésitez pas à commenter, comme ça j'ai aussi des nouvelles de vous ! Bisous :)