Bonjour, cela fait depuis mon deuxième
séminaire que je voulais vous parler de l'histoire de la Coûme,
petit endroit magique des Pyrénées, où nous nous sommes retrouvés
pour notre deuxième rencontre avec l'OFAJ.
En effet, cet endroit a un fabuleux
passé, qui rentre d'ailleurs parfaitement dans le thème des
relations franco-allemande.
J'ai donc interviewé Marta, habitante
de la Coûme et c'est avec plaisir qu'elle m'a conté ce récit.
Histoire de la Coûme
Tout
commence dans les années 30 avec les Krüger, jeune couple vivant à
Potsdam, en Allemagne. Pitt est instituteur et Yvès, sa femme donne
des cours privés chez une riche comtesse.
Pitt
est Quaker.
(Les
Quakers sont aussi appelé la
société religieuse
des Amis.
C'est
un mouvement religieux fondé en Angleterre au xviie siècle
par des dissidents de l'Église
anglicane.
Les
membres de ce mouvement sont communément connus sous le nom
de quakers
mais ils se nomment entre eux « Amis » et « Amies ».
Les
historiens s'accordent à désigner George
Fox comme
le principal fondateur ou le plus important meneur des débuts du
mouvement.
Depuis
sa création en Angleterre,
le mouvement s'est d'abord répandu dans les pays de colonisation
anglo-saxonne. Aujourd'hui, les quakers déclarent être au nombre
d'environ 350 000 dans le monde.
La
Société des Amis se différencie de la plupart des autres groupes
issus du christianisme par
l'absence de credo et
de toute structure hiérarchique. Pour les quakers, la croyance
religieuse appartient à la sphère personnelle et chacun est libre
de ses convictions. Le concept de « lumière intérieure »
(inner
light)
est cependant partagé par la plupart d'entre eux, quelle que soit la
signification donnée à ces mots. De nombreux quakers reconnaissent
le christianisme mais ne ressentent pas leur foi comme entrant dans
les catégories chrétiennes traditionnelles.
On
trouve aujourd'hui dans la Société des Amis des pratiques très
diverses, y compris un large courant évangélique.)
source : Wikipédia
D'après
Marta, les Quakers étaient à l'époque de Pitt et d'Yvès, une
riche communauté qui avait beaucoup de ressources, mais très
généreuse. Les Quakers faisaient souvent des dons et s'aidaient
entre eux.
En 1933, Hitler devient chancelier.
Pitt, en tant que fonctionnaire, doit lui jurer fidélité.
Il refuse, perd son emploi et est forcé
de quitter Potsdam.
Il s'en va alors camper dans les forêts
allemandes avec sa femme et sa fille de 3 ans.
Heureusement, un ami Quaker les met
bientôt en relation avec sa tante, une riche Quaker qui passe
souvent ses vacances à Prades, dans les Pyrénées orientales.
Elle leur propose alors de partir pour
la France, afin de fonder une communauté agricole avec d'autres
Quakers réfugiés.
En Octobre 1933, la famille arrive dans
un petit village perdu dans la montagne, du nom de Mosset.
La Coûme, leur prochaine habitation
est juste à côté mais est inhabitable pour le moment.
Le temps de l’aménager et de passer
l'hiver, les Krüger, aidés par des volontaires étudiants Quakers
venant d'Oxford, fondent une des premières auberges de jeunesse à
la Coûme au printemps 1934.
La Coûme dans les années 30 |
5 ans plus tard, en 1939, le
département est envahi par les républicains espagnols fuyant
l'Espagne. Près de 400 000 réfugiés arrivent dans les Pyrénées
pour une population de 20 000 habitants.
Face à cette exode, on oblige alors
les républicains à construire des camps près des plages ( Argelès,
Port Barcarès …) et on les entasse dedans. Militaires et civils
sont séparés, ainsi qu'hommes et femmes accompagnées de leurs
enfants.
Plusieurs organisations sont mises en
place afin de soulager cette surpopulation, comme le secours Suisse
qui créé une maternité, des colonies d'enfants...
Les Quakers aident aussi, à l'aide de
dons et en regroupant les enfants pour les extirper des camps.
C'est ainsi qu'une vingtaine d'enfants
espagnols se retrouve à la Coûme, recueillis par Pitt et Yvès.
Profondément traumatisés par la guerre, les enfants ont besoin de
temps et de tranquillité pour pouvoir ré avancer dans la vie.
Le couple leur apprend à chanter, à
dessiner et le français.
Lors de la première apparition d'un
dessin de fleur au lieu des habituels dessins de corps mutilés, de
sang et de bombes sur les feuilles des enfants, les Krüger se
décident à créer une école.
Quelques amis catalans du couple
viennent travailler à la Coûme en tant que professeurs de musique,
d'espagnol et d'art.
Une méthode pédagogique innovante naît alors,
dans ce petit endroit perdu dans la montagne.
élèves à la Coûme |
Dans les années 40, la responsable
irlandaise des Quakers, Mary Elmes ramène peu à peu de nouveaux
enfants à la Coûme.
Ce sont des enfants principalement retirés du
camp de Rivesalt, juifs ou enfants de résistants.
Grâce aux faux
papiers et à certains commandants qui ferment les yeux, Mary arrive
à sauver un certain nombre d'enfants de la mort en les cachant dans
le coffre de sa voiture.
Elle recueille aussi certains enfants ayant
eux-même fugué des camps et d'autres petits réfugiés espagnols.
Hélas ces nouveaux arrivants sont tout de même remarqués par les
habitants de Mosset et comme les dénonciations sont fréquentes en
ce temps de guerre, Pitt enterre les papiers des enfants et commence
à se construire une cabane dans la montagne pour fuir si jamais.
La famille Krüger |
En effet, en juin 1944, Pitt est obligé
de partir se réfugier dans son abri car le curé de Mosset l'a
dénoncé, n'acceptant pas que l'on puisse donner une éducation non
religieuse à l'école.
Par ailleurs, Pitt était très mal vu
par le voisinage, car il ne faisait pas la guerre et était allemand.
Mais Pitt est très vite obligé de
revenir et de se rendre, lorsque les soldats menacent de tuer 10
enfants au hasard si il ne se montre pas très vite.
Pitt est alors
enfermé à Perpignan, Paris, Saarbrücken et Berlin en tant que prisonnier
politique.
jeunes allemands à la Coûme |
Pendant ce temps, Yvès reste seule
avec les enfants.
Plusieurs personnes viennent l'aider comme cette
institutrice, Yvette Grangeon, qui quitte son travail pour la Coûme
et qui deviendra par la suite la première institutrice reconnue
légalement de l'école ou les parents d'Olivier (le directeur actuel
de la Coûme), Gérard et Monique Bétoin, qui s'installent aux côtés
d'Yvès et y resteront jusqu'à sa mort .
Certains anciens élèves espagnols
reviennent aussi, apprenant la nouvelle et n'hésitant pas à partir
à pied de Valence et à risquer leur liberté en traversant la
frontière sans papiers.
Heureusement , ils tombent sur un
douanier ami des Krüger qui les reconnaît et qui les fait passer.
Pitt Krüger |
La fin de la guerre arrive et Pitt est envoyé en tant que chair à canon sur le front russe.
Pitt refuse de tirer et est fait
prisonnier par les soviétiques en tant que soldat allemand.
En septembre 1945, les granges de la
Coûme brûlent lors d'un incendie.
Des prisonniers allemands viennent
alors tout reconstruire.
Ironie du sort, ce sont des hommes qui
subissent le même sort que Pitt, lui en Russie, eux en France.
En 1946, le violoncelliste Casals fait
redécouvrir Bach en Europe.
Refusant de jouer en Espagne compte tenu
des tensions politiques de l'époque, ce musicien Catalan monte alors
à la Coûme régulièrement pour travailler avec le piano de Pitt et
Yvès.
Très connu et demandé, des musiciens
du monde entier se déplacent alors pour jouer avec lui, pour le plus
grand bonheur des enfants.
Yvès Krüger |
Les enfants
participent alors aussi à la vie quotidienne, coupant le bois pour
l'hiver et aidant pour la vaisselle, la lessive, la cuisine..
En 1948, Pitt revient de déportation.
Dans les années 60, la Chine envahit
le Tibet.
Des enfants tibétains sont alors
envoyés dans les pays occidentaux pour bénéficier d'une bonne
éducation afin de revenir dans quelques années pour redonner au
Tibet son intégrité.
Certains atterrissent à la Coûme et y
restent durant trois ans.
Au-delà, les tibétains veulent
prendre en main la Coûme ce que Yvès refuse, s'opposant fermement à
un gouvernement religieux dans son école.
Mis à part ce différent, certains
anciens enfants reviennent encore aujourd'hui dans les Pyrénées
chaque été.
La Coûme en 1953 |
En vieillissant, Pitt et Yvès se
raidissent sur certains principes et n'arrivent pas à être en
accord avec l'évolution de la pédagogie au cours du temps.
Dans les années 70, la vie demeure
très dure à l'école, en décalage avec les changements nouveaux de
la société.
Pas de téléphone, pas d'eau chaude en semaine pour la
douche....
Le succès de la Coûme était dû à
son éducation particulière qui n'a plus raison d'être, et donc
diminue peu à peu.
Yvès meurt en 1988, et son mari l'a
rejoint quelques mois plus tard.
En 1989, Olivier et Marta, sa femme,
ferment l'école et créent un centre d'accueil.
Les deux filles de Pitt et Yvès ne
vouent pas une grande importance à la Coûme, qui devient par
ailleurs une fondation vouée à l'éducation, selon les désirs des
Krieger.
Aujourd'hui, la Coûme accueille des
écoliers français, allemands, anglais et espagnols, en voyage
scolaire, mais aussi des formations pour adultes, des colonies de
vacances, des stages de musique, des accueils de groupes...
Marta s'occupe de tout ce qui est
patrimoine, environnement et apprentissage linguistique ( Espagnol,
catalan et français ) et Olivier prend en charge les activités
sportives ( Escalade, ski de fond, rando ).
Marion s'occupe des arts
plastiques, Fred de la cuisine et bien d'autres encore participent à
l'animation et à la vie quotidienne de la Coûme.
Une bien belle et longue histoire, qui
m'a pris du temps à rédiger mais qui en vaut la peine.
La Coûme
est un lieu rempli de calme et de tranquillité, dirigé par des
personnes ouvertes d'esprits et heureuses de partager leur histoire
avec vous.
J'ai hélas pris beaucoup de temps à
me mettre au travail et de nombreuses versions de l'histoire de la
Coûme existent déjà.
Voici quelques liens :
Les photos viennent de cette vidéo que je vous invite à regarder, car elle comporte l'interview d'Olivier, le mari de Marta : https://www.youtube.com/watch?v=4_ZH49JY8mI
Merci encore à Marta pour avoir pris le temps de partager avec moi cette histoire !
Merci a Vous :)
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