Pardon à tous les profs/assistants de langue et autres que l'on a malmené un jour en classe.

Il y a un truc que je ne supporte plus, ce sont les préjugés sur ce que je fais. J'ai toujours l'impression de devoir me justifier et de prouver que ce que je fais cette année est sérieux. Dès que je dis que je fais une année de volontariat, je vois les sourcils se lever et  les sourires en coin se dessiner.
Non je n'ai pas choisi de faire comme vous ou comme la majorité des jeunes de mon âge. Je n'ai pas choisi d'intégrer une prépa ou l'université.
J'ai choisi de faire en premier une année de VOLONTARIAT ( et non de CÉSURE/BREAK/REPOS/ SABBATIQUE ) en effectuant une MISSION ( donc je ne me tourne pas les pouces loin de là ) au sein d'une école ( ENSEIGNEMENT).
Chaque semaine, je me retrouve face à 30 petits diables dans une salle, seule ou avec un prof, mais quoi qu'il en soit, c'est moi qui organise, anime, fait le cours.
Vous savez, des cours, ça se prépare. Chez soi, oui peut-être, mais des fois je finis à deux heures du matin. Comme vous avec vos cours à vous. J'ai choisi d'avoir une expérience professionnelle avant d'attaquer mes études, ça ne veut pas dire que je ne suis pas sérieuse, bien au contraire. Ça ne veut pas dire non plus que je suis en train de rater ma vie en zappant mes études.
En France nous avons la fâcheuse tendance de toujours vouloir rester dans notre bulle, et on n'encourage pas du tout les jeunes à partir par rapport à d'autres pays d'Europe.

(Par exemple : On ne m'a jamais donné d'informations pour partir à l'étranger au lycée. En Allemagne, j'ai déjà dû distribuer deux fois des brochures à mes terminales sur le FSJ ( Freiwilliges Soziales Jahr) et non pas parce que j'étais volontaire mais parce que ça se fait beaucoup de partir à l'étranger après le bac. )

Je ne comprends pas pourquoi c'est si mal perçu en France. Nous avons peur de quoi ? D'un désintéressement complet des études supérieures ? Que l'on se rende compte que le système français n'est pas adapté à nos besoins ? Ou alors tout simplement de la différence ?
Pourquoi nous empêcher au maximum d'aller voir ailleurs ?
Pourquoi toujours rester dans la norme, et avoir absolument une norme ?
Il n'y aurait alors qu'un seul chemin possible pour tout le monde, le schéma bac-études sup-métier  ?

Je ne dénigre pas ce que vous faîtes ou avez fait. De toute façon l'année prochaine je vais passer par là moi aussi. J'ai conscience que c'est énormément de boulot, et que le rythme de travail change totalement d'avant le bac. Je sais que vous travaillez ou avez travaillé beaucoup. Votre intellect est sans cesse sollicité ? Le mien aussi, mais peut-être pas de la même façon que vous.
Respectez cela. Je ne suis peut-être pas 8 heures par jour le nez dans des calculs ou dans des examens, mais chaque jour je dois écouter, comprendre et parler une langue qui n'est pas ma langue maternelle. Je dois chaque jour affronter mes peurs pour oser parler, oser faire des fautes. C'est loin d'être facile. Je ne veux pas qu'on me plaigne, car ce que je fais me plais énormément.
Je lis énormément, je découvre chaque jour, je développe ma créativité, mon ouverture d'esprit, ma sociabilité.
Mais ne me dîtes pas que ce que je fais est trop facile, ou que je ne fais rien, car je n'en peux plus de ces préjugés à la noix.

Si vraiment je me tourne les pouces et que je suis payée en ne foutant rien pendant une année à l'étranger et que je me suis offert 14 mois de vacances, pourquoi vous, vous ne l'avez pas fait ?


Aujourd'hui, j'ai du faire des exercices de prononciations à une bande de petits monstres hurlants et braillants de 11 ans. Une trentaine. J'étais seule, dans la classe, pendant 20 minutes, à leur faire répéter les paroles des choristes. Le niveau sonore ne baissait pas, pas moyen de s'énerver en allemand, eux ne connaissent presque rien en français, et en profitaient bien.
J'ai passé toute ma soirée d'hier soir à rechercher des activités sympas pour eux, afin qu'ils ne s'ennuient pas.
Personne n'avait ses partitions. A chaque fois que je me tournais pour écrire au tableau, le son augmentait.
J'ai demandé qu'ils écrivent leur prénom sur une feuille à mettre sur le bureau, deux m'ont dessiné des smileys, et trois n'ont pas arrêté de jouer avec, de se les envoyer à la tête, de les froisser et refroisser pendant toute l'heure.
Les éclats de rire quand tu prononces mal leur prénom parce que tu le prononces à la française, ça ne te fais plus sourire à la fin de l'heure.
 Le fait que quand tu demandes que tout le monde répète après toi, et que sur toute la classe, il n'y en ai que le quart qui te réponde, c'est fatiguant.
J'avais envie de pleurer, debout et seule devant cette classe de sixième. Et vous voyez, je sais qu'il y en a qui vont prendre ça à la légère quand je vais leur raconter. Qui vont minimiser mon travail et l'épreuve que c'est. Qui vont me dire : " Ouais en fait tu te fais martyrisée quoi."
Vous n'avez jamais vécu ça.
Ce n'est pas du non respect, c'est juste une relation à travailler... mais c'est épuisant.

C'est tellement facile de taper sur le dos des profs à chaque fois, de leur dire qu'ils ne foutent rien, qu'ils n'ont que des vacances, que c'est la belle vie pour eux. Mais pourquoi alors vous ne faîtes pas ce métier ? Moi je ne ferais jamais prof. Parce que c'est une vocation, et qu'il faut vraiment avoir la carrure pour faire ce métier. Gérer une trentaine d'élèves qui sont en plein testage de l'autorité c'est un défi. Je respecte ceux qui font cela, je me rends compte du travail que c'est et je ne remettrai jamais en doute le fait qu'il y a du travail derrière. Effectivement, certains profs ne foutent rien. Mais il y a aussi des infirmiers, des ouvriers etc qui ne foutent rien non plus et on en fait pas une généralité pour autant. Respectez le travail des autres.....

Je voulais demander aussi pardon à tous les profs que nous avons malmené depuis que je suis au collège. Vous ne pouvez pas savoir à quel point je regrette pour certain que cela se soit passé ainsi. Je pense à ma prof de musique, à ma prof d'anglais, à cette assistante d'allemand qui était venue quelques mois, et pleins d'autres. Je regrette de m'être des fois fait portée par l'ambiance général au sein de la classe, de ne pas avoir pris la parole plus souvent, de ne pas vous avoir montré que je comprenais ce que vous disiez ou ce que vous vouliez faire. Des fois, j'avais juste la flemme. Pourtant, répondre à la question "Est-ce que vous avez tous compris ?" ce n'est pas la fin du monde.
On aurait pu établir une relation, un échange. Je voulais aussi vous dire que ce n'est pas parce qu'on a été ignobles et qu'on vous a chahuté pendant les cours que vous êtes incompétent(e). Vous aviez des bonnes idées, des supers projets, et vous étiez dynamique, mais c'est le fait qu'on voulait juste être en opposition avec l'adulte parce que le collège/lycée, c'est loin d'être cool, et c'est plus vu comme une obligation que comme une opportunité à apprendre de nouvelles choses. C'est vrai qu'avec vous on aurait pu faire de supers trucs, se fabriquer de supers souvenirs et passer une super année et on a tout gâché. Vous n'y pouviez rien, on ne voulait rien entendre.
Je vous présente  toutes mes excuses et j'aimerais aussi m'excuser au nom du reste de la classe
(Je pense que la plupart ne se rendront jamais compte de la difficulté crée pour vous à ce moment là).

Maintenant la question que je me pose c'est : "Comment leur montrer que je ne suis pas là pour être toujours en opposition avec eux et qu'il y a des possibilités à ce qu'on passe une super année ensemble ?"

Vous voyez, moi aussi j'ai mes propres problématiques à résoudre. C'est compliqué, c'est dur, mais ça me plait, car je dois travailler pour arriver à avancer et à comprendre. Cela me fait grandir et découvrir de nouvelles choses, de nouveaux points de vue.

Respectez mon boulot, respectez le boulot des bénévoles, des volontaires, des profs, des instituteurs, des médecins, des ouvriers, des étudiants à la fac ( quelque soit leur filière ), des étudiants en prépa. Respectez-vous vous même, et comprenez que ce n'est pas en dénigrant le travail des autres que le votre sera valorisé. Je respecte vos choix, faîtes de même avec les miens. Je n'ai pas besoin de vos remarques négatives, de vos préjugés ni même de votre avis. Ah et puis autant vous prévenir, je vais sûrement intégrer la faculté de psychologie l'année prochaine. Et oui peut-être que cela ne me plaira pas. Et non, je ne vais pas rater ma vie. Et non, je ne vais pas rien faire. Souhaitez moi bon courage au lieu de me dire à tout bout de champ que je vais me ramasser la tête la première. Ce n'est pas productif et cela ne m'avance à rien. Respectez mes envies, mes choix, respectez-moi tout court.

C'était juste le petit coup de colère de la semaine, je tenais à vous le dire. Si vous vous sentez visé par ce que j'ai écrit, sachez que je ne vous en veux absolument pas, je prends cela plus pour de l'ignorance ou pour une tentative d'humour, je sais que vous ne faîtes pas cela pour me faire du mal ! Mais sachez que cela ne me fait plus rire à force et que ça me blesse. Je suis certaine que maintenant que vous le savez, je n'en entendrais plus parler :)

Merci de votre lecture, je mettrais un autre article dès que j'aurais le temps, un peu plus joyeux je l'espère !

Bisous  !

Edit : à lire aussi, témoignage d'une instit' : http://www.demotivateur.fr/article-buzz/le-coup-de-gueule-d-une-instit-de-la-nouvelle-orl-ans-je-suis-prof-et-je-vous-emmerde--1137

( Merci Julie pour tes liens ! )